Tags: classe inversée, MOOC, numérique
On considère aujourd’hui l’arrivée du numérique et des nouvelles
technologies comme un bouleversement culturel comparable à la découverte
de l’écriture et à l’invention de l’imprimerie. Historiquement, chacune
de ces révolutions a eu un impact majeur sur l’enseignement. La
situation actuelle n’échappe pas à la règle et soulève des
interrogations inédites sur les pratiques éducatives. Parmi les
pédagogies actives ‘dernier cri’ inspirées par ce nouveau paradigme
culturel figurent les MOOCs et les classes inversées.
Le MOOC est un cours en ligne massivement ouvert,
qui connecte et rassemble des étudiants (mais pas uniquement) qui
décident de se former à un domaine de connaissances. On distingue
classiquement deux types de MOOCs : les xMOOCs, visant la transmission d’un savoir et les cMOOCs parfois qualifiés d’événements (9)
issus d’un processus de co-création du savoir par une communauté
d’apprenants. Aujourd’hui les MOOCs composent avec ces deux approches
qui tendent à se combiner plutôt qu’à s’opposer.
La classe inversée
est une démarche pédagogique qui s’appuie sur les nouvelles
technologies pour transmettre les éléments de contenu de la matière
avant la séance de cours afin de la rendre plus interactive et plus
orientée sur la mise en application des connaissances (10). Cette “petite révolution”, comme l’évoque Marcel Lebrun dans son blog, est aussi une piste d’évolution progressive pour tout professeur désireux de centrer son enseignement sur l’étudiant.
Engagé dans deux cycles de formations sur ces thématiques, l’IPM a
proposé un temps de réflexion visant à mieux saisir le contexte qui a
permis l’émergence de ces nouveaux dispositifs. Avant de se lancer dans
l’aventure MOOC ou classe inversée, il s’agissait de pouvoir se
positionner par rapport à trois questions essentielles : Qui est
l’étudiant face à nous ? Que doit-il apprendre ? Quel est le rôle de
l’enseignant dans cet apprentissage ?
Le temps d’une après-midi, une trentaine d’enseignants se
sont réunis pour aborder ces trois problématiques à travers une séance
de formation organisée en “classe inversée”. Les principaux
arguments de la littérature sur les implications de cette révolution
numérique avaient été rassemblés en un répertoire de dix ressources de
formats divers (vidéo d’animation, article de blog, interview, etc.).
Avant la séance, chaque participant devait prendre connaissance de deux
ressources et les synthétiser. Le jour de la formation, les enseignants
se sont retrouvés par groupe afin de résumer ces contenus de manière à
construire une carte conceptuelle commune. Cet article propose d’en
livrer les principaux éléments.
Il se réfère continuellement aux dix ressources qui étaient à
disposition des participants et souligne (en italique) les éléments
relevés par les cinq groupes d’enseignants qui les ont discutées. La
carte conceptuelle élaborée figure en annexe de même que les dix
ressources.
Qui est l’étudiant face à nous ?
Le
portrait qui est dressé ici concerne la génération qui fréquente
actuellement les auditoires de nos universités, le public cible d’une
démarche en classe inversée. Notons cependant que si ces jeunes de 18 à 25 ans sont aussi un public potentiel d’un MOOC, ils ne représentent que 20% des apprenants (9 et 10).
Dans son ouvrage “Petite Poucette”, Michel Serres nous livre un
regard bienveillant sur cette nouvelle génération, séparée de la nôtre
par des changements dont on ne réalise pas encore toute l’ampleur.
Selon le philosophe, les jeunes d’aujourd’hui ne vivent plus dans le
même espace (corporel, physique et moral) que la génération qui les a
précédés. Plusieurs ruptures peuvent être pointées :
- Ces jeunes vivent dans un espace qui n’est plus limité par des distances. Ils accèdent aisément à toute personne, à tout lieu, à tout savoir (1 et 2).
- Leur contact avec la nature est moins physique et pourtant, sensibles aux questions environnementales, ils la pollueront moins (2).
- Leur entourage humain a changé, en nombre et en variété de religions, langues et cultures (1 et 2).
- Ces jeunes ont des préoccupations éthiques, conscients de vivre dans un monde interconnecté dans lequel rien ne leur est étranger (1).
- Les outils numériques sont les derniers sur la liste d’une série d’outils qui ont prolongé les capacités des êtes humains. Après l’extension des forces musculaires, des sens, de la maîtrise de la nature et des possibilités opératoires de l’esprit, ces jeunes exploitent naturellement les technologies comme un outil qui augmente leur capacité à penser (7).
- Leurs langages parlé et écrit évoluent a un rythme beaucoup plus soutenu qu’il n’a évolué auparavant (2).
- Nombreux métiers pour lesquels ils se préparent n’existent parfois pas encore aujourd’hui. (1 et 2).
- Leurs contacts avec autrui ne résultent plus des appartenances idéologiques, qui structuraient les sociétés passées (sexe, religion, patrie,…) (2).
- Bien qu’inégaux dans leur capacité à faire un bon usage du numérique, ils sont capables de manipuler plusieurs sources d’information en même temps (2).
- Dans un rapport plus horizontal que vertical avec la génération précédente, ces jeunes attendent qu’on leur donne une autonomie et un apprentissage plus individualisé (7 et 10).
- L’enseignant peut dès lors veiller à trouver des dispositifs d’apprentissage qui correspondent aux personnalités des apprenants et les respectent. Les étudiants ne sont pas tous des extravertis collaboratifs, tout comme la classe inversée n’est pas uniquement un lieu de travail en équipe. L’engagement introverti doit être respecté et valorisé. Le temps de la réflexion est nécessaire pour chacun et un moment doit lui être consacré (8).
De quel savoir parle-t-on ?
Avec la culture numérique, le savoir est largement disponible, diffusé et décliné sous des formats multiples (3).
De l’article scientifique aux commentaires d’un blog en passant par des
leçons filmées sur Youtube et par les ressources de Wikipedia, les
accès à un domaine de connaissance sont innombrables. Cette variété dans
les modalités d’entrée est intéressante car elle diversifie les points
d’accroche avec les connaissances préexistantes (3).
Le cMOOC se base d’ailleurs sur cette idée du savoir comme “patrimoine commun” (9) où la capacité à créer des réseaux est une stratégie essentielle dans le processus de création de connaissances. Par
sa communauté d’apprenants, le cMOOC ouvre à un mode de connaissance
distribuée qui permet le développement de nouvelles idées et la prise en
compte de points de vue différents (9).
Dans un contexte où l’étudiant utilise le même outil pour communiquer
sur les réseaux sociaux et pour rechercher de l’information (et qu’il
fait souvent ces deux activités simultanément !), une des missions
de l’enseignement est d’amener l’étudiant vers le discernement des
sources de qualité et vers des savoirs moins superficiels (1). Ce
qui importe est donc moins la transmission de savoirs que l’acquisition
de compétences à gérer cette masse de savoirs et à les appliquer (10). Le connectivisme tel que défini par Georges Siemens intègre la complexité de ces défis majeurs pour la connaissance.
Pourrait-on pousser l’argument plus loin encore et concevoir Internet
comme une mémoire, un réservoir de connaissances qui dispenserait
l’étudiant de mémoriser des savoirs pour se concentrer uniquement sur
l’esprit critique et la résolution de problèmes ? Normand Baillargeon ne
le pense pas. Un réservoir d’information et de connaissance préalable est le premier outil d’une réflexion critique. Ainsi
si l’accent aujourd’hui est mis sur l’idée d’une tête bien faite plutôt
qu’une tête bien pleine, la première présuppose la seconde (4).
Quel est le rôle de l’enseignant ?
Comme on l’a compris, il ne suffit pas de
mettre son cours en ligne pour relever les défis qui se posent
aujourd’hui dans les institutions éducatives. La classe inversée
nécessite une préparation spécifique, une scénarisation particulière,
elle doit s’appuyer sur des modèles pédagogiques appropriés (6).
Ainsi, il faut repenser le cours en redéfinissant les aspects les plus
propices à être réalisés à distance et ceux qui seront mieux acquis en
présence (10).
Les activités relevant du “connaître” et du “comprendre” peuvent être organisées en dehors de la classe de manière à considérer l’auditoire comme un lieu propice aux interactions et à la mobilisation de fonctions cognitives plus élevées. Ce face à face avec l’étudiant permet d’instaurer un climat d’écoute et de confiance (5) condition préalable à toute démarche visant à créer, renforcer et renouveler son besoin de savoir (6).
Les activités relevant du “connaître” et du “comprendre” peuvent être organisées en dehors de la classe de manière à considérer l’auditoire comme un lieu propice aux interactions et à la mobilisation de fonctions cognitives plus élevées. Ce face à face avec l’étudiant permet d’instaurer un climat d’écoute et de confiance (5) condition préalable à toute démarche visant à créer, renforcer et renouveler son besoin de savoir (6).
Dans la conception de son dispositif, l’enseignant détermine les objectifs à atteindre mais laisse le choix à l’étudiant quant à la trajectoire pour y parvenir. Pour cela il veille à diversifier
les méthodes et les outils utilisés. En amont, il est celui qui pose le
cadre et suggère les références. En aval, il est le modérateur et le
restructurateur des savoirs mobilisés (10).
Avant d’entrer en classe, sa préoccupation n’est plus centrée sur la
connaissance à transmettre mais bien sur l’étudiant en tant que
constructeur de son apprentissage. Le temps dégagé permet à l’enseignant
d’observer les différents parcours d’apprentissage et de proposer des moments de retour critique.
En somme, l’enseignant change de posture. Expert descendu de son estrade, le voici guide, accompagnateur, coach…(6) et en même temps c’est toujours à lui qu’il revient d’évaluer. Dans l’élaboration, l’appropriation et la personnalisation de ce nouveau rôle, l’enseignant aura besoin d’être accompagné et valorisé (10).
Ressources vidéos/bibliographiques
3. Connectivism
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